Fragmentation des PAH et biomolécules induite par collisions avec des ions positivement chargés
Processus de multicapture et fragmentation
Une des activités principales du groupe porte sur l’étude des processus collisionnels avec des ions multichargés.
Dans ces expériences nous focalisons sur la capture d’un grand nombre d’électrons d’une molécule ou d’un agrégat par un ion très chargé en collision unique. Nous avons dans ce genre de système l’opportunité quasiment unique de former des espèces très excitées et de pouvoir étudier leur stabilisation à la suite de la collision.
La formation d’un "atome creux" sur le projectile comprenant de nombreux électrons dans des couches très externes, les couches plus internes étant vide, s’accompagne simultanément de la création d’un agrégat très chargé sur lequel le projectile a déposé de l’énergie.
Ceci ouvre deux champs d’études complémentaires l’un concernant la stabilisation des états atomiques multiplement excités, l’autre la fragmentation de nano-structures multichargées.
Expérimentalement, les produits de la réaction sont analysés événement par événement en multi-coïncidence.
Multicapture électronique lors d'une collision avec le C60
Un très grand nombre d’électrons participent à la collision dans des processus d’échange de charge entre l’ion Xeq+ (q=20-30) et la molécule de C60.
Plus de 80 électrons actifs ont été comptés à partir du nombre d’électrons éjectés et du nombre d’électrons stabilisés sur le projectile. Comme l’on peut s’y attendre, les expériences montrent aussi que le nombre d’électrons actifs augmente avec la charge de l’ion incident. Les variations en fonction de la vitesse montrent que, en diminuant la vitesse d’impact, le temps d’interaction augmente et, par conséquent, le nombre d’électrons mis en jeu augmente. Les distributions de la multiplicité du nombre d’électrons éjectés et actifs ainsi que la mesure approximative du gain (ou de la perte) d’énergie permettent de séparer les collisions périphériques à grand paramètre d’impact des collisions rasantes de type interaction ion-surface, des collisions frontales de type "beam-foil".
Collisions Xe30+ - C60 (E = 150 keV, v = 0.19 u.a.) Sections efficaces srs de capture de r électrons lorsque s électrons sont stabilisés par le projectile Les domaines relatifs aux collisions frontales (de type solide), rasantes (de type surface) et de type atomique sont représentés. |
Les résultats des mesures pour les collisions O8+, Ne8+, Ar8+ - C60,montrent que les effets de cœur ont plus d’importance que la charge de l’ion incident car l’énergie potentielle est très différente dans les trois cas. Un modèle en trois étapes, comprenant les processus de capture électronique, d’autoionisation rapide pendant la collision et d’autoionisation lente dans la partie post-collisionnelles, est en cours d’élaboration. Il décrit bien de nombreux résultats des expériences et semble montrer que l’autoionisation des ions creux se fait en partie dans des temps plus courts que le temps de collision.
Fragmentation du C60
En collision périphérique on observe surtout des ions C60r+stables jusqu’à r=9. Lorsque le paramètre d’impact diminue, on observe d’abord des gros fragments C60-2mr+ provenant de l’évaporation de petites unités C2m et provenant des processus de fissions dissymétriques avec émissions de petits agrégats pairs et impairs monochargés et enfin pour les plus faible paramètres d’impact de petits fragments issus de la multi-fragmentation. Un détecteur à multi-anode construit au Laboratoire, est utilisé dans ces expériences pour permettre la détection de plusieurs fragments identiques. De nouvelles interprétations sur la dynamique de fragmentation du C60 ont été obtenues.
Par exemple pour C605+ la fragmentation peut donner deux unités paires C2+, C4+ ou C6+dans un mécanisme de " fermeture éclair " dans le passage d’un fullerène à un autre un peu plus léger, ou l’émission séquentielle rapide de deux fragments impairs (C+, C3+ ...) via des fullerènes impairs ouverts très métastables, ou encore l’émission d’ions deux fois chargés tels C8++ ou C10++. Nous avons mis en évidence pour la première fois la division de charge quasi symétrique (3,2) dans des processus de fission d’agrégats multichargés. Les processus de fragmentation sont ainsi étudiés de manière à obtenir de plus en plus d’information sur la dynamique en fonction de la charge initiale et de l’énergie interne de l’agrégat.
Spectre de corrélation entre fragment chargés pour le C60 |
Fragmentation de biomolécules
La fragmentation des biomolécules joue un rôle important dans la spectroscopie de masse ainsi que dans des applications récentes telle que la thérapie par faisceau d’ions.
Pour cette dernière, il est essentiel de comprendre les dommages engendrés à l’ADN et ses composants par les particules secondaires (électrons, ions…) créées le long du chemin suivi par l’ion incident.
En spectroscopie de masse, les schémas de fragmentation permettent d’obtenir des informations sur la structure de la molécule.
Fragmentation de l’adénine
Dans un premier temps, nous nous somme intéressés à la fragmentation des bases de l’ADN. Les premiers résultats ont été obtenus avec l’adénine (A) .
L’une des particularités de nos expériences est de pouvoir déterminer sans ambigüité la charge de la molécule parent avant sa fragmentation.
Pour cela nous mesurons en coïncidence le nombre d’électrons éjectes pendant l’interaction, la charge finale du projectile et le temps de vol des ions de recul.
Nous avons ainsi pu obtenir les spectres de masse de l’adénine simplement chargée (A+) et doublement chargée (A2+) formée lors de collisions F2+ +A→ F+.
Pour l’adénine mono-chargée, l’évaporation successive de molécules HCN neutres est la principale voie de désexcitation.
Spectre de masse Adenine+ | Spectre de masse Adenine2+ |
Pour l’adénine doublement chargée, le spectre de corrélation entre les 2 fragments chargés permet d’obtenir des informations précises sur les schémas de fragmentation de la molécule.
Il apparait que les principales voies de fragmentation font intervenir l’émission d’un fragment CNH2+.
Lors de collisions avec des ions argons fortement chargés (Ar8+ +A→ Ar7+), nous avons pu observer des processus de fragmentation retardée qui apparaissent lorsqu’une faible énergie est déposée sur la molécule au moment de l’interaction. Ce type de fragmentation caractérise un processus statistique de désexcitation de la molécule.
Spectre de corrélation entre fragment chargés pour Adenine2+
L’énergie déposée dans la molécule au cours de l’interaction est un paramètre important qu’il est généralement difficile de mesurer expérimentalement. En utilisant une méthode (CIDEC) basée sur la formation d’ions négatifs, nous avons pu mesurer la perte d’énergie du projectile qui est reliée à l’énergie d’excitation de l’adénine. Nous avons ainsi pu obtenir la distribution en énergie interne de l’adénine associée à chaque fragment.
Fragmentation des PAH
Les expériences de multicoïncidence réalisées avec des ions très chargé Ar8+ (40 KeV), ont permit d’obtenir les spectres de masse sélectionnés en charge pour la molécule parent Antz+ (z =1 à 4) et de mesurer le taux de fragmentation en fonction de la charge initiale de l’anthracéne (C14H10).
Pour l’anthracène doublement chargée, le spectre de corrélation entre fragments met en évidence des processus de fission, multifragmentation et de fragmentation retardée.
Les résultats montrent que l’Ant2+ se refroidit préférentiellement par émission d’un fragment neutre C2H2 et d’hydrogène (2H)
Collisions Ar8+ + Ant→ Ar7++ Antz+ + (z-1)e- (40keV): (gauche) spectre de masse en fonction du nombre d’électrons éjectés lors de la collision (droite) spectre de masse sélectionné en charge pour les ions parents Anthracenez+ (z =1 à 4) |
Quelques articles:
Excitation and fragmentation of C-60(r+) (r=3-9) in Xe30+-C-60 collisions, Phys. Rev. A(2000)
Dynamical fragmentation processes of C-60(5+) ions in Ar8+-C-60 collisions, Phys. Rev. A (2001)
Very fast hollow-atom decay processes in Xe30+-C-60 collisions, Phys. Rev. Lett. (2002)
Decay of hollow atoms in Ne10+-C-60 collisions, Phys. Rev. A (2004)
Fragmentation of adenine induced by collision with slow F2+ ions, NIMB (2005)